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Noureddine Kouloughli (consultant en fonderie) : «Quelques propositions pour augmenter les capacités d’oxygène dans nos hôpitaux»

09-08-2021 12:03  Amine Bouali
 
Propos recueillis par Amine Bouali 
 
Les hôpitaux algériens pâtissent actuellement, à cause d’une forte vague du variant Delta du Covid-19, d’un manque cruel d’oxygène médical.
 
M. Noureddine Kouloughli*, consultant en fonderie, nous a contacté pour soumettre, par le biais de notre journal, aux services compétents quelques idées concrètes afin de tenter de juguler un tant soit peu ce déficit constaté d’oxygène médical et pour prévenir éventuellement, à l’avenir, d’autres crises du même type.
 
«Dès le début du mois de juillet, nous dit-il, quand j’ai appris qu’il y avait un manque d’oxygène dans nos hôpitaux causant le décès de nombre de nos compatriotes, j’ai lancé un appel sur les réseaux sociaux priant les trois principales aciéries du pays, El-Hadjar (Annaba), Bellara (Jijel) et Bethioua (Oran) de mettre en veilleuse leurs fours pour consacrer l’oxygène ainsi économisé à la disposition des hôpitaux.
 
Il faut savoir 1/ qu’il n’y a aucune différence entre l'oxygène médical et l'oxygène industriel sinon l'étiquetage pour différencier les destinataires (ou le médical ou l’industriel donc) et 2/ que pour fabriquer de l'acier dans un haut fourneau, on insuffle de l'oxygène qui est un gaz comburant dans la fonte liquide qui se trouve dans le convertisseur pour éliminer le carbone ainsi que d'autre éléments chimiques. (Ce sont des détails techniques, je sais!).
 
L’aciérie d'El-Hadjar a théoriquement les capacités pour produire quotidiennement 2500 tonnes d'aciers liquides. Pour ce faire il lui faudrait un minimum de 15 m3 d'oxygène/T de fonte, soit 37500 m3 d’oxygène/jour. Il en est de même pour les deux autres aciéries citées plus haut. Leurs consommations d'oxygène est fonction du tonnage de fonte liquide réduite en acier.
 
Les aciéries sus-citées possèdent leurs propres générateurs qui produisent l’oxygène dont elles ont besoin. Mais le complexe sidérurgique d'El-Hadjar, qui est actuellement à l'arrêt, ne peut produire actuellement que 5000 litres/jour d’oxygène qui sont dirigés en totalité vers les hôpitaux. Il pourrait fournir davantage si ce n'était la panne des transformateurs des générateurs qui datent de 1970. Le site de l'aciérie de Bellara assure la production de 45000 litres/jour d’oxygène dont une grande partie est destinée actuellement aux hôpitaux. Quant à l’aciérie de Bethioua, elle produit 45000 litres/ jour d’oxygène dont une grande partie est destinée actuellement aux hôpitaux.
 
A côté de ces aciéries, d’autres entités industrielles produisent de l’oxygène dans notre pays. Ainsi Sidal Air liquide, en activité depuis 1975, produit 20.000 litres/ jour d’oxygène qui sont mis sur le marché. Lind gaz Algérie, fonctionnel depuis 1970, produit 150.000 litres/ jour d’oxygène, qui sont mis sur le marché. Calgaz Algérie, créé en 2018 produit 150.000 litres/ jour d’oxygène qui sont mis sur le marché. Aurès gaz, fondé en 2001, produit 20.000 litres/ jour d’oxygène qui sont mis également sur le marché. Soit un total de 435.000 litres/ jour de production nationale d’oxygène.                                                            
 
A côté des aciéries, il existe d’autres entités consommatrices d'oxygène qui pourraient réduire leur consommation de ce gaz aujourd’hui si précieux au profit des hôpitaux, ce sont, par ordre décroissant, les entreprises de constructions métalliques (ENCC du groupe IMETAL) pour l'oxycoupage de tôles et des profilés, les chantiers de réparation navale, les chaudronniers, les tôliers. etc.......Durant la période présente de grave crise sanitaire, je les exhorte de faire ce geste civique.                                                                
 
Si certains hôpitaux dans notre pays sont dotés de générateurs d'oxygène dédiés exclusivement à l'alimentation de leurs réseaux, plusieurs structures sanitaires ne disposent que de citernes alimentées en oxygène par des camions-citernes et d’autres structures encore n’utilisent que des bouteilles (obus) d’oxygène de 50 litres (200 bars) au profit de leurs malades. A l’intention de ces deux dernières entités, je fais les modestes propositions suivantes (car il ne suffit pas de produire de l'oxygène, il faut aussi pouvoir le transporter!). Transporter les obus de 50 litres, c'est facile mais acheminer l'oxygène vers les citernes des hôpitaux à travers les régions les plus reculées de l’Algérie, ce n’est pas une mince affaire. 
 
Notre pays possède-t-il la logistique adéquate ? Voici mes deux propositions : la plus urgente est de reconvertir la flotte de camions-sirghaz dans le but d’acheminer l’oxygène. Certes les automobilistes seront pénalisés en sirghaz mais cela ne les  empêchera pas de rouler avec de l'essence en attendant que la situation sanitaire se normalise.
 
La deuxième solution : j'implore le groupe IMETAL (groupe métallurgique et sidérurgique) de donner instruction à une de ses entreprises (l’ENCC) qui se trouve à Annaba et qui est spécialisée dans la fabrication des citernes à haute pression et de différentes capacités, à doubler d'effort pour la confection de ces dernières. Je connais très bien cette entreprise, puisqu'en 1986, l’unité fonderie de Gambetta (Oran) où je travaillais alors l'avait approvisionnée en pièces pour concasseurs de gros tonnage. Les citernes fabriquées seront destinées en priorité à équiper les camions pour transporter l’oxygène (ce liquide si précieux aujourd'hui!) et, en second lieu, à fournir les hôpitaux en citernes pour le stockage. La contenance des citernes peut être de 5 à 30 m3 suivant la dimension de l'hôpital.                                                            
 
J’ai vu que certains responsables d’hôpitaux veulent doter ces derniers de générateur d'oxygène en priorité, je leur demande de réfléchir par deux fois. À mon humble avis, il serait plus sage de renforcer les capacités de ces hôpitaux en cuves de stockage, car il n'est pas facile aujourd'hui de gérer un générateur, avec tous les tracas pour maîtriser les pannes éventuelles des équipements. A cela, il faut ajouter le souci de gérer les pièces de rechange. Maintenant, si les responsables des hôpitaux ont les moyens financiers et la maîtrise du dépannage des équipements, ils peuvent faire un investissement mixte (générateur et citerne de stockage).
 
Dans un autre registre, dans certains hôpitaux, les bouteilles de 50 litres d’oxygène (obus) sont les plus utilisés durant cette période de pandémie, malheureusement ces dernières sont manipulées sans ménagement durant leur chargement ou déchargement. J’ai pu constater en regardant simplement des reportages à la télévision nationale, qu'une grande partie de ces bouteilles ne possédaient pas de «chapeaux», un «chapeau» étant une sécurité pour la protection du robinet en laiton et de son filetage, lors du transport de ces bouteilles d’oxygène. Il faut savoir que si jamais le filetage est détérioré, il sera alors impossible de monter le manodétendeur et la bouteille est alors réformée.
 
A cette occasion, j'invite les entreprises de remplissage de ces bouteilles (obus) à passer commande de ces «chapeaux» auprès de l'unité fonderie d'Oran qui se trouve à Gambetta. Les outillages et la fiche de fabrication existent, ils ont été réalisés en 1986 pour la fabrication des «chapeaux» pour le compte de la société Air liquide-Algérie. La capacité de production à l’aide de deux équipes est de 1000 pièces/ jour soit un tonnage de 8 tonnes de métal/jour. Sans jeu de mots inapproprié, ce serait une bouffée d'oxygène pour la fonderie en question car elle manque de charges et elle est presque à l'arrêt. Il en est de même pour son atelier mécanique pour la réalisation du filetage de ces «chapeaux». 
 
Je termine ces humbles propositions en m'inclinant devant toutes les victimes du Covid et en souhaitant un prompt rétablissement aux personnes qui ont été atteintes par ce terrible virus. Je tire également un grand chapeau aux trois aciéries du pays pour leur geste humaniste en réservant presque l'intégralité de leur production d’oxygène pour nos malades. Et je salue avec fierté nos soldats en blouse blanche qui sont tombés au champs d'honneur.»
 
*Noureddine Kouloughli (photo-ci dessous)
Consultant en fonderie
 


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