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Les révélations d’espionnage du programme NS–PEGASUS posent la problématique de la sécurité nationale et de la maitrise des nouvelles technologies

21-07-2021 15:01  Pr Abderrahmane Mebtoul

La maîtrise des nouvelles technologies reposant sur le savoir  est  le défi principal du XXIème siècle, engageant la sécurité mondiale  et toute inadaptation à ces mutations isolerait encore plus le pays.

1.-L'organisation Forbidden Stories et 17 rédactions viennent  de révéler  un important scandale d’espionnage qui touche tant la sécurité des Nations que la vie privée des citoyens initié par le Maroc. Mais  si les experts militaires s’accordent sur le  fait que l’espionnage a existé depuis que le monde est monde, mais aujourd’hui plus sophistiqué, avec l’avènement des cyber-attaques, appartenant à chaque nation d’utiliser des moyens plus sophistiqués pour  se protéger,  le problème qui se pose est ce que le Maroc a-t-il les moyens scientifiques  d’opérer une telle action sans complicité. Le programme phare de NSO nommé Pegasus, un logiciel d’origine israélienne  surnommé  « cheval de Troie », a permis  de fouiller dans les données (calendriers, photos, contacts, messageries, appels enregistrés, coordonnées GPS…) des Smartphones, iPhone comme Android, infectés, mais aussi de contrôler à distance la caméra et les micros  intégrés à l’appareil. Cela  donne  la possibilité d’écouter des conversations dans une pièce alors que le téléphone apparaît inactif. Ce logiciel en est à sa troisième version.

Dans  les premières moutures, la victime devait cliquer sur un lien pour charger le virus. Mais, depuis au moins deux ans, Pegasus est devenu une technologie dite « zéro clic  » où la victime reçoit ce qui ressemble à un appel vidéo qui suffit à infecter le téléphone dès la première sonnerie, même si elle ne répond pas. Selon Forbidden Stories, la réception d’un « iMessage », la messagerie d’Apple, ou d’un SMS infecté servirait de viatique pour prendre le contrôle de l’appareil. C’est un puissant logiciel qui au départ devait contrecarrer les actions terroristes  mais, seules  des enquêtes précises en cours  le détermineront,  qui  aurait  été  utilisé  pour espionner le compte d'une dizaine d'Etats, et une liste de plus de 50.000 numéros de téléphone de personnalités diverses de par le monde dont environ 6000 personnalités pour l’Algérie. 

Cependant les nouvelles technologies ne concernent pas seulement les écoutes. Les drones sans pilotes commencent à remplacer l’aviation militaire classique pouvant cibler avec précision tout adversaire  à partir de centres informatiques sophistiquées à des milliers de kilomètres. Les satellites remplissant l’atmosphère,  permettent d’espionner tout pays, de détecter le mouvement des troupes et la diffusion d’images de toute la planète.  Le contrôle de l’information grâce à l’informatisation  permet  le développement des sites d’information, impliquant une adaptation   des journaux papier,  une nouvelle organisation des entreprises et administrations en réseaux, loin de l’organisation hiérarchique dépassée, l’interconnexion bancaire et éclectique, pouvant bloquer tout pays dans ses transactions financières  et  la  panne des réseaux  peut plonger  tout  pays dans les ténèbres. L’utilisation de Facebook et Twitter par la diffusion d’informations parfois non fondées où faute de transparence, la rumeur dévastatrice supplante l’information officielle déficiente. Face à cette situation ayant des impacts géostratégiques, économiques et sécuritaires, où les relations diplomatiques  de chefs d’Etat à Etat ont de plus en plus peu d’impacts, étant supplantés par des réseaux décentralisés, l’Etat major de l’ANP à travers les dernières éditions  El-Djeich tire la sonnet d’alarme afin que  la majorité des  responsables des institutions  stratégiques en Algérie en déphasage par rapport aux nouvelles réalités tant internes que  mondiales, s’adaptent en urgence, nécessitant un important investissement dans le savoir.  C’est que la nouvelle révolution mondiale du numérique  a un impact sur le comportement des citoyens, sur la gestion des institutions et des entreprises et  d‘un manière générale  sur  la gouvernance et sur notre nouveau mode de vie. Politiques, Militaires,  entrepreneurs, citoyens, nous vivons tous aujourd’hui dans une société de la communication électronique, plurielle et immédiate qui nous contraint à prendre des décisions en temps réel. 

La naissance des NTIC est due notamment à la convergence de l’informatique, des télécommunications et de l’audiovisuel. Le développement d’Internet à haut débit, la démocratisation de l’ordinateur et des nouvelles technologies découlent d’une baisse des tarifs proposés par les fournisseurs d’accès et d’une demande de plus en plus présente de la clientèle. Le boum des blogs et des messageries électroniques donne aux TIC une place de plus en plus vaste dans notre société. Cette interaction de l’électronique et de l’informatique explique que les applications des NTIC puissent répondre aux besoins aussi bien des entreprises et de l’Etat que des ménages et des individus. Désormais soumises aux mêmes lois du marché que n’importe quelle autre activité de production marchande, les NTIC constituent, en outre, un secteur où la concurrence se joue directement à l’échelle mondiale. La globalisation des entreprises, des marchés et des circuits de la finance n’a pas seulement impliqué un remodelage des structures économiques et des flux d’échange, elle a aussi conduit à la professionnalisation de la communication et de l’information, ainsi qu’à une intégration de plus en plus poussée des phases de la conception, de la création et de la consommation des produits, parallèlement à la fusion de sphères d’activités jadis séparées, voire opposées. Plus qu’une ouverture vers le grand public les TIC révolutionnent l’organisation interne de l’entreprise, les logiciels de gestion appelés les ERP (Entreprise Ressource Planning) gèrent différentes tâches comme les stocks ou la trésorerie, le travail collaboratif est simplifié grâce à l’utilisation de l’intranet et de la messagerie, le système «Wireless» ou «sans fil» maintient un lien permanent avec des collaborateurs , tout comme la vidéoconférence, tout cela générant  un meilleur partage ainsi qu’une meilleure circulation de l’information interne.

2.-Ainsi, notre univers  est devenu une grande maison de verre, l’infrastructure de l’Internet se répandant  aujourd’hui autour du monde pour créer un large réseau mondial et ce grâce à l’informatique qui permet aujourd’hui de numériser les informations et de gérer de nouveaux systèmes. L’intégration des télécommunications, de l’informatique et de l’audiovisuel a donné naissance à la Société de l’information qui fait l’objet d’une attention particulière de la part des Etats et des organisations internationales. Cet intérêt s’est trouvé accru depuis plus d’une décennie en raison des retombées socio-économiques et culturelles des nouvelles technologies de l’information de la communication*.

Les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) changent donc profondément la vie au quotidien des citoyens, le fonctionnement des entreprises, de l’Etat. Tout cela entraîne de nouvelles représentations mentales et sociales. Cela est plus patent au niveau multimédia (TV, vidéo à la demande, GPS, musique…) sur les téléphones portables. Sur le plan macroéconomique, les nouveaux processus mis en place grâce aux TIC ont des conséquences sur l’analyse de la valeur des produits et services, que l’on effectuera davantage sur le cycle de vie, lequel a tendance à se raccourcir et influe sur les gains de productivité et la croissance liée à l’introduction des TIC. Les TIC influencent également la recherche scientifique et technique et permettent indirectement de réaliser de nouvelles découvertes qui ont à nouveau un effet macroéconomique. Enfin, les TIC ont un impact dans de nombreux autres domaines comme les loisirs, la culture, la santé, la gestion du temps, les comportements en société. L’avènement d’Internet et le développement formidable qu’il connaît depuis quelques années ont pratiquement mis en demeure l’entreprise – de quelque importance qu’elle soit – de s’adapter et d’en faire l’usage le plus judicieux et le plus productif.  Les NTIC permettent de mettre en place depuis quelques années des modèles d’organisation du travail dont les principales caractéristiques sont la décentralisation et la flexibilité.

Le phénomène de délocalisation de l’emploi tient largement de la recherche des gains de productivité et des possibilités offertes par les NTIC aux entreprises, particulièrement à celles qui sont d’une grande envergure : télé-saisie, télétraitement et télémaintenance informatique sont maintenant une réalité de tous les jours. C’est dans ce cadre que se développe l’Intelligence économique dont  sa gestion stratégique est devenue pour une Nation et l’entreprise  l’un des moteurs essentiels de sa performance globale et de  sa sécurité.  L’intelligence économique intègre deux dimensions supplémentaires par rapport à la veille : la prise de décision et la connaissance de l’information. Pour faire de l’intelligence économique un véritable avantage concurrentiel, il est indispensable de l’intégrer aux fonctions de l’administration et de l’entreprise. L’approche processus permet une meilleure coordination des étapes pour profiter au maximum du gisement informationnel en vue d’actions efficaces sur l’administration ou l’entreprise ou son environnement du fait d’interactions complexes. Une Nation ou une entreprise sera meilleure que ses concurrents si elle possède, avant les autres, les bonnes informations au bon moment, qu’il s’agisse de connaissance des marchés, d’informations juridiques, technologiques, normatives ou autres, créant une asymétrie d’information à son avantage. D’où l’appui aux entreprises pour l’accès aux volumes importants d’informations sur le commerce international détenu par les départements et agences ministériels, les Services de renseignement et de contre-espionnage, mettant en place un service d’information économique au profit des entreprises engagées dans le commerce extérieur.  Depuis l’apparition des intranets et des extranets, l’information se diffuse plus rapidement et plus largement hors des frontières, acquérant ainsi une telle valeur stratégique que l’enjeu est désormais de se l’approprier.

Les motivations des pirates informatiques ont évolué : du piratage de logiciels de la part d’amateurs dont la motivation essentielle consistait à voler pour leur usage personnel, nous sommes passés à un piratage « professionnel » d’ordre économique (détournements d’argent) et piratage industriel, proche de l’espionnage. Les interceptions de communications ont aussi évolué. Des écoutes téléphoniques nous sommes passés aux interceptions des messages électroniques. Lorsqu’un mail est envoyé de façon habituelle, il n’est pas crypté et peut transiter par une dizaine de proxys qui jalonnent le parcours vers sa destination. Or, ces derniers conservent, pour des raisons techniques mais aussi légales, une copie des messages reçus. Les informations contenues dans le corps du message et dans les fichiers joints peuvent donc être lues par autant de responsables de proxies que nécessite le trajet. Les vols de documents ne se produisent pas seulement en accédant, à distance ou non, à un ordinateur ou un serveur, mais également de la façon la plus inattendue par les photocopieuses qui  stockent les informations avant de les imprimer, des experts en informatique pouvant donc ensuite très facilement récupérer ces informations, d’autant plus que la plupart d’entre elles sont généralement connectées à un réseau, soit via un PC (imprimante partagée), soit grâce à une adresse IP propre.

En conclusion, notons que l’Algérie est un des pays  en retard dans  la transition numérique, malgré des discours de certains responsables déconnectés de la réalité vivant toujours du mythe de la rente des hydrocarbures et des industries mécaniques du passé, faute de vision stratégique de la transformation du nouveau monde et se  cette question, combien  d’institutions stratégiques dont les banques qui fonctionnent sur les méthodes du début des années 1970,  sont-ils protégés par les cyber-attaques. Lors d’achat du matériel informatique  ou lorsqu’une personnalité se soigne à l’étranger les tests de détection   de puces d’espionnage ont-ils été opérés ? Le rapport annuel mondial sur l’économie numérique (Network Readiness Index (NRI 2020)), a classé l’Algérie  sur 134 pays  à la 120ème place en matière de gouvernance numérique.  La bureaucratie, héritage d’une économie administrée, constitue une des contraintes les plus fortes et dont l’éradication est absolument nécessaire pour insuffler  la dynamique au développement dans le cadre d’une libéralisation maitrisée conciliant l’efficacité économique et une profonde justice sociale. Le monde est  à l’aube d’une quatrième révolution économique et technologique, fondée sur deux fondamentaux du développement du XXIème siècle, la bonne gouvernance et l’économie de la connaissance, avec comme trajectoire la transition numérique et la transition énergétique. Le statut quo étant suicidaire, n’existant pas de situation statique,  plus on diffère les réformes, plus on épuisera les réserves de changes  avec le risque  du retour au FMI horizon 2022, ce qu’aucun patriote  ne souhaite.  21/07/2021 -

Dr Abderrahmane MEBTOUL, Pr des  universités, docteur d’Etat 1974, expert international

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Note :

*(voir l’American Herald Tribune du 11 août 2018 (USA) «Dr Abderrahmane Mebtoul : «Algeria Still Faces Significant Challenges» et  trois parties dans le site international Africapresse Paris 8/9/10 aout 2018 sur les défis de l’Algérie 2018/2020/2030 « Pr A. Mebtoul (1/3) Le développement de Algérie implique la réforme du système politique» b-Pr A. Mebtoul (2/3) : «Il est urgent d’adapter nos partis politiques algériens, pour la majorité liés à des intérêts de rente» -Pr A. Mebtoul (3/3) :Pas de développement pour l’Algérie sans vison stratégique de la transition à une économie hors hydrocarbures»). 



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