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L’efficacité de la nouvelle loi des hydrocarbures est indissociable d’une nouvelle gouvernance et d’une transition énergétique

10-10-2019 20:47  Pr Abderrahmane Mebtoul

Le nouveau management de Sonatrach et la nécessaire adaptation  de la loi des hydrocarbures de 2013 pour une efficacité réelle, renvoient  à l'urgence d'une gouvernance renouvelée e t dans le cadre de la transition énergétique. Sonatrach s'assimile en 2019 après plusieurs décennies d’indépendance politique, toujours, à toute l'économie algérienne. Le Groupe  est le véritable moteur de l'économie algérienne, un fournisseur essentiel des revenus d'exportations, des revenus fiscaux, d'emplois, sa gestion et son image se répercutant directement sur l'ensemble de la société algérienne (98% directement et indirectement de sentrées en devises du pays). Force est de reconnaitre que depuis la promulgation de la loi des hydrocarbures de 2013, en plus de la forte consommation intérieure liée à la politique des subventions généralisées sans ciblage, Sonatrach n’a pas attiré d’investisseurs potentiels et connaissant une chute de sa production physique, d’où l’importance d’une adaptation face aux nouvelles mutations énergétiques mondiales, devant  encourager un partenariat gagnant/ gagnant avec des firmes de renom.

1.- Huit  axes directeurs concernant la nouvelle loi des hydrocarbures

Premièrement, il s’agit,  d’écarter complètement la question de penser à la privatisation du Sonatrach qui doit rester la propriété de l’État à 100% et que pour les grands gisements la règle des 49/51% peut s’appliquer.

Deuxièmement, contrairement aux discours politiques pour les petits gisements, en dehors de la propriété de Sonatrach (domaines non encore exploités), et pour les nouveaux projets de canalisations (pas question de toucher aux filiales actuelles propriété de l’État), dont le taux de profit est en moyenne inférieur de 30% par rapport à l’amont, se pose la règle des 49/51%, où l’on pourrait imaginer une minorité de blocage de 30%. Faute de quoi, un  prix du baril entre 55/65 dollars , le prix de cession du gaz  entre 3/5 dollars le MBTU, déterminant le taux de profit, devant soustraire 25/30% du cout,  pour les petits gisements qui sont les plus nombreux en Algérie , la règle 49/51% risque est de ne n’attirer que peu ou pas  d’investisseurs de renom.

Troisièmement, il s’agira d’analyser la situation sans chauvinisme, mais avec réalisme de certains articles du volet fiscal de la  loi sur les hydrocarbures de janvier 2013 (le cours à l’époque dépassait les 100 dollars le baril) n’étant plus appropriés par rapport au nouveau contexte mondial,  où il est prévu un taux progressif d’imposition à partir de 30 dollars. Or, avec la baisse drastique du prix du pétrole , face à un cours fluctuant, deviennent plus exigeantes dans le choix des opportunités disponibles à travers le monde, surtout avec les nouvelles découvertes et les nouvelles technologies.

Quatrièmement,   du fait que Sonatrach n’a plus les moyens de financement , il serait souhaitable que la nouvelle monture introduise le contrat  de partage de production qui  est généralement utilisé entre un investisseur et le pays hôte ou une compagnie pétrolière qui donnent droit au pays hôte, une partie des quantités physiques du pétrole. Un tel accord attribue généralement les ressources sous forme de remboursement des couts de production puis divise le contrôle sur les bénéfices restants relatifs au pétrole ou au gaz  entre le groupe de sociétés d’exploitation  et le gouvernement/CPN. Le gouvernement CPN  vend alors sa part ou bien accepte des règlements en espèces des sociétés d’exploitation au lieu de la livraison physique de la marchandise. Plus précisément un accord (APP), ou contrat (CPP), de partage de production (Production-Sharing Agreement / PSA) est un accord passé entre l'opérateur sur un secteur géographique donné (bloc, licence) et un gouvernement hôte, selon lequel le premier assume les coûts et les risques associés à l’exploration et à l’exploitation du projet, en échange d’une part de la production à venir. Le PSA reconnaît que la propriété des ressources naturelles reste entre les mains de l’État hôte, l'opérateur, le consortium, assumant  la plupart des risques financiers liés à l’exploration et au développement et peut perdre ses investissements s'il ne trouve pas d'hydrocarbures exploitables.

Cinquièmement, il est prévu un deuxième régime, appelée contrat de participation, dans lequel Sonatrach et la compagnie pétrolière partenaire auront les mêmes droits et obligations en termes de dépenses, de rémunération et de payement de la fiscalité. A l’opposé du régime de partage de production, le contrat de participation oblige le partenaire étranger à s’implanter en Algérie en créant une succursale, ainsi  qu’ un troisième régime, appelé contrat de services à risques, et par lequel Sonatrach pourrait faire appel à l’expertise d’une compagnie étrangère pour développer par exemple des gisements difficiles à exploiter ou améliorer la récupération des gisements matures. Le choix de l’une "des trois formules dépendra de la nature des gisements et des périmètres proposés à l’exploration et l'exploitation.

Sixièmement, il y a urgence de la dé-bureaucratisation étouffante qui freine les initiatives créatrices,  la mise en place d’un cadre institutionnel clair, en termes de sécurité des investissements, ce qui pose l’urgence d’une cohérence et d’une transparence de toute la politique socio-économique et dans ce cadre même en amendant la loi des hydrocarbures  et pour les autres  segments non stratégiques à définir avec précision, l’assouplissement de la règle des 49/51%, sont une condition nécessaire mais non suffisante pour attirer l’investissement, le terrorisme bureaucratique engendrant une corruption socialisée , étant le frein essentiel.

Septièmement, le problème posé relevant de la sécurité nationale : quelle nouvelle politique énergétique, notamment quel nouveau modèle de consommation énergétique afin d’adapter la loi sur les hydrocarbures aux nouvelles mutations.

Huitièmement, la nouvelle monture doit s’inscrire dans le cadre d’une véritable transition énergétique, le mix énergétique combinant les énergies fossiles classiques et l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables dont l’Algérie possède d’importantes potentialités.

2.-Les cinq  axes directeurs de la  transition énergétique en Algérie, 2020/2030

Des actions coordonnées doivent être mises en place dans le cadre d'une vision stratégique de développement tenant compte des nouvelles mutations mondiales. Sans l’amélioration du climat des affaires que l’assouplissement de la règle de s49/51% ou la novelle loi des hydrocarbures, l’Algérie ne pourra attirer des investisseurs potentiels D'où l'importance  dès maintenant de prévoir  un nouveau modèle de consommation énergétique s’insérant dans le cadre de la nécessaire transition énergétique articulée autour de cinq axes directeurs

-Premier axe, améliorer l'efficacité énergétique par une nouvelle politique des prix (prix de cession du gaz sur le marché intérieur (environ un dixième du prix) occasionnant un gaspillage des ressources qui sont gelées transitoirement pour des raisons sociales, dossier que j’ai dirigé avec le bureau d’études américain Ernest Young et avec les cadres du Ministère de l’Energie et de Sonatrach que j’ai présenté personnellement à la commission économique de l’APN en 2008, renvoyant à une nouvelle politique des prix (prix de cession du gaz sur le marché intérieur environ un dixième du prix international occasionnant un gaspillage des ressources qui sont gelées transitoirement pour des raisons sociales. C'est la plus grande réserve pour l'Algérie, ce qui implique une révision des politiques de l'habitat, du transport et une sensibilisation de la population. L'on doit durant une période transitoire ne pas pénaliser les couches les plus défavorisées. A cet effet, une réflexion doit être engagée pour la création d'une chambre nationale de compensation, que toute subvention devra avoir l'aval du parlement pour plus de transparence. Une chambre devant réaliser un système de péréquation, tant interrégionale que socio- professionnelle, segmentant les activités afin d'encourager les secteurs structurants et tenant compte du revenu par couches sociales, impliquant une nouvelle politique salariale.

-Le deuxième axe, ne devant pas être utopique, continuer à investir dans l’amont. Mais pour la rentabilité de ces gisements tout dépendra du vecteur prix au niveau international et du coût, pouvant découvrir des milliers de gisements non rentables. L’Algérie comme montré précédemment  pour voir une valeur ajoutée importante doit s’orienter vers la transformation de son pétrole et du gaz naturel mais dans le cas d’un partenariat gagnant- gagnant, la pétrochimie à l’instar d’autres filières, les circuits de commercialisation étant contrôlées par quelques firmes multinationales. 

-Le troisième axe, développer les énergies renouvelables combinant le thermique et le photovoltaïque avec pour objectif d’ici  2030 de produire de 30 à 40% de ses besoins en électricité à partir des énergies renouvelables. Avec plus de 3 000 heures d'ensoleillement par an, l'Algérie a tout ce qu'il faut pour développer l'utilisation de l'énergie solaire, ou presque. Le soleil tout seul ne suffit pas il faut la technologie et les équipements pour transformer ce don du ciel en énergie électrique. Aussi le défi algérien est-il d'avoir le budget et les technologies nécessaires pour, d'abord, financer la fabrication de panneaux solaires et ensuite subventionner, du moins en partie, leur installation à grande échelle. Le retard dans l'exploitation de l'énergie solaire est indéniable Adopté en février 2011par le Conseil des ministres, le programme national des énergies renouvelables algérien prévoit une introduction progressive des sources alternatives, notamment le solaire avec ses deux branches (thermique et photovoltaïque), dans la production d'électricité sur les 20 prochaines années Dans cette perspective, la production d'électricité à partir des différentes sources d'énergies renouvelables dont l'Algérie compte développer serait de 22.000 mégawatts à l'horizon 2030, soit 40% de la production globale d'électricité. Sur les 22.000 MW programmés pour les deux prochaines décennies, l'Algérie ambitionne d'exporter 10.000 MW, alors que les 12.000 MW restants seraient destinés pour couvrir la demande nationale. Une fois réalisé, ce programme permettra d'économiser près de 600 milliards de mètres cubes de gaz sur une période de 25 années. Sonatrach ne pouvant assurer à elle seule cet important investissement, (environ 100 milliards de dollars entre 2019/2030), il y a lieu de mettre en place une industrie nationale dans le cadre d'un partenariat public-privé national/international, supposant d'importantes compétences. Celle-ci doit comprendre tous les éléments de la chaîne de valeur renouvelable, dont l'ingénierie, l'équipement et la construction afin d'accroître le rythme de mise en œuvre, des études sur la connexion de ces sites aux réseaux électriques.

-Le quatrième  axe, l’Algérie compte construire sa première centrale nucléaire en 2025 pour faire face à une demande d’électricité galopante, où selon l’Institut de génie nucléaire, créé récemment, devant former les ingénieurs et les techniciens en partenariat qui seront chargés de faire fonctionner cette centrale. Les réserves prouvées de l’Algérie en uranium avoisinent les 29 000 tonnes, de quoi faire fonctionner deux centrales nucléaires d’une capacité de 1000 Mégawatts chacune pour une durée de 60 ans, selon les données du Ministère de l’Energie. La ressource humaine étant la clef à l’instar de la production de toutes les formes d’énergie et afin d’éviter cet exode de cerveaux massif que connait l’Algérie.

-Le cinquième  axe est l’option du pétrole/gaz de schiste horizon 2022/2025 (3ème réservoir mondial selon des études internationales) introduite dans la nouvelle loi des hydrocarbures de 2013, dossier que j’ai l’honneur de diriger pour le compte du gouvernement et remis en janvier 2015. En Algérie, devant éviter des positions tranchées pour ou contre, l’adhésion des populations locales par un  dialogue productif est nécessaire  car on ne saurait minimiser les risques de pollution des nappes phréatiques au Sud du pays. L’Algérie étant un pays semi-aride, le problème de l’eau étant un enjeu stratégique au niveau méditerranéen et africain, doit être opéré un arbitrage pour la consommation d’eau douce des populations et celle utilisée pour cette production. Selon l’étude réalisée sous ma direction sur ce sujet sensible ,(10 volumes première ministère  2015, assisté des cadres de sonatrach et d’experts internationaux,980 pages),  les nouvelles techniques peu consommatrices d’eau et évitant l’injection de produits chimiques dans les puits devraient  être opérationnelle à l'horizon 2022/2025 car actuellement avec la fracturation hydraulique, il faudrait environ pour  un milliard de mètres cubes gazeux environ 1 million de mètres cubes d’eau douce, devant tenir compte de la courte de vie des puits (cinq ans maximum) et devant perforer des centaines de puits pour avoir un milliard de mètres cubes gaz.

En résumé, selon bon nombre d’observateurs tant nationaux qu’internationaux , du fait de son importance, il serait souhaitable qu’un gouvernement légitime puisse initier cette loi, d’autant plus  que toute loi qui engage la sécurité du pays, n’est pas rétroactive et que l’investissement réel  se fera dans deux ans minimum si les conditions politiques sont réunies. Comme je viens de le signaler dans deux interviews aux télévisions algériennes en ce mois d’octobre 2019, ne devant pas  être utopique, sans la  résolution de la crise politique  dans les hydrocarbures et en dehors, aucun investisseur sérieux ne s’aventurera en Algérie. Il faut être réaliste. L'Algérie dépendra encore pendant de longues années des recettes de Sonatrach. En ce mois  d’octobre 2019, comme je le rappelais lors de mes deux récentes interventions à Alger , l’une à l’invitation du Ministère de la défense nationale  (IMPED) le 27 mars 2018 sur la sécurité  et le trafic des frontières, l’autre le 01 avril 2018 sur la sécurité alimentaire, de l’eau  et la sécurité énergique à la salle des conventions , la troisième lors des 11èmes Journées Scientifiques et Techniques (JST11) de Sonatrach  du 16-19 avril 2018 à Oran , actuellement deux institutions stratégiques  sont garantes de la sécurisé nationale, l’ANP, toutes les forces de sécurité et   Sonatrach, qui est l’ Algérie et l’Algérie c’est Sonatrach, assurant directement et indirectement 98% des recettes en devises du pays. Par ailleurs, cette loi devra tenir compte des nouvelles mutations énergétiques mondiales, le monde devant  connaitre entre 2020/2030 un profond bouleversement tant dans le domaine économique, social, culturel que militaire à travers tous les continents, Amérique, Asie, Europe, Afrique et la future reconfiguration au Moyen Orient, où la domination se fondera sur le savoir. Mais évitons également la sinistrose.  Par une nouvelle gouvernance, l’Algérie, pays à fortes potentialités énergétiques, au niveau de l’espace méditerranéen et africain possède toutes les potentialités pour être un vecteur actif en renforçant la coopération sur la base d’un contrat gagnant/gagnant afin de faire de cet espace un lac de paix et de prospérité partagé. C’est pourquoil’Algérie, face à la nouvelle transition énergétique mondiale   a besoin aujourd’hui d’un nouveau management  stratégique, de dépasser la situation actuelle, par une nouvelle gouvernance tant centrale, locale que celle des entreprises.

- Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane MEBTOUL

Directeur d’Etudes Ministère  Energie/Sonatrach 1974/1979-1990/1995- 2000/2007- 2013/2015 -[email protected]

Références

En plus de nos différentes contributions parues sur le site www.algerie1.comsur la stratégie énergétique  voir nos interviews récentes  sur la situation politique et l’avant projet de loi des hydrocarbures  -TV Ennahar 03 octobre (6 minutes) – TV Chorouk - 09  octobre   (20 minutes) et Radio Algérie Internationale (02 octobre 2019)

Pour écouter ci-joint - liens : Ennahar -https://youtu.be/W5P-oiT2S0I

Tv Chorouk https://www.facebook.com/EchorouknewsTV/videos/494182638088521/

-Notre intervention à l’American Herald tribune 11 aout 2018 (question sur la stratégie énergétique de l’Algérie) «  Dr. Abderrahmane Mebtoul: “Algeria Still Faces Significant Challenges »  –  quotidien gouvernementaux  El Moudjahid et quotidien arabophone  Ech-chaab  04 mars 2018 « les cinq propositions pour la révision de la loi des hydrocarbures »  -  intervention au  Forum Mondial du Développement durable Paris 13 mars 2017  sur les axes de la transition énergétique de l’Algérie-  nos conférences 2013/2015 ronéotypés sur  ce sujet notamment au parlement européen et au  au Sénat français, sur la sécurité énergétique -2015/2017 -Notre contribution à HEC Montréal 2012 «  pour un  nouveau management stratégique  de Sonatrach »  -

(Le professeur Abderrahmane Mebtoul  a dirigé le premier dossier  -audit  de  Sonatrach entre 1974/1976 assisté des cadres dirigeants de Sonatrach et d’experts- Ministère Industrie-Energie 1976 – l’audit sur le prix des carburants dans un environnement concurrentiel assisté des cadres dirigeants de Sonatrach, d’experts, du bureau d ‘Etudes Ernest Young 2006/2007 Ministère Energie Sonatrach, le dossier pétrole et gaz de schistes « risques et opportunités » pour le gouvernent 2015, assisté de 20 experts.- A.Mebtoul , chef de fil de la délégation algérienne a présidé la commission transition énergétique du groupe des 5+5  de la société civile qui s’est tenue  à Marseille en juin 2019. -




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