Algérie 1

Icon Collap
...

Dérapage accéléré du dinar algérien de 1970 à 2017 : éviter l’illusion monétaire !

24-07-2017 14:09  Pr Abderrahmane Mebtoul

Cette présente analyse montre le dérapage accéléré du dinar entre 1970 et le 24 juillet 2017, qui n'a pas permis une dynamisation des segment hors hydrocarbures, fortement corrélée à l’évolution  du montant des réserves de change via la rente des hydrocarbures,   montrant que le blocage est d'ordre systémique. sur le marché parallèle la cotation du  dinar algérien se rapproche de 200 dinars un euro. L'objectif stratégique est d'éviter l'illusion monétaire, devant synchroniser la sphère financière et la sphère économique,d'une part, d'autre part, la dynamique économique et la dynamique sociale.  

1.- Il est intéressant  de connaitre l’évolution de la cotation du dinar algérien de 1970 à juillet 2017, en rappelant  que par le passé en référence au franc français nous avions un(1) DZD = 1FRF en 1971  et 1DZD = 0,84 FRF en 1985.

 

 

1970 : ……………….. ………………………………………..4,94 dinars un dollar 

1980 :  ………………………………………………………….5,03 dinars un dollar 

1985 :  ………………………………………………………… 5,03 dinars un dollar

1989 : ………………  ………………………………………... 8,03  dinars un dollar

1990 : ………………………………………………………… 12,02 dinars un dollar

1991 : ………………………………………………………… 18,05 dinars un dollar

1994 : ………………………………………………………… 36,32 dinars un dollar

1995 : ……………… …………………………………………47,68 dinars un dollar

1996 :  ………………………………………………………   54,74 dinars un dollar

1997 :  ………………………………………………………   57,71 dinars un dollar

1998 :  ………………………………………………………   58,76 dinars un dollar

1999 :  ………………………………………………………   66,64 dinars un dollar

2001    ………………69,20 dinars un  euro……………   77,26 dinars un dollar

2002…………………75,35 dinars un euro……………..  69,20 dinars un dollar        

2003…………………87,46 dinars un euro………………77,36 dinars un dollar

2004…………………89,64 dinars un euro………………72,06 dinars un dollar

2005…………………91,32 dinars un euro………………73,36 dinars un dollar

2006…………………91,24 dinars un euro………………72,64 dinars un dollar

2007…………………95,00 dinars un euro………………69,36 dinars un dollar

2008…………………94,85 dinars un euro………………64,58 dinars un dollar

2009………………..101,29 dinars un euro……………   72,64 dinars un dollar

2010………………..103,49 dinars un euro……………   74,31 dinars un dollar

2011………………..102,21 dinars un euro……………   72,85 dinars un dollar

2012………………..102,16 dinars un euro……………   77,55 dinars un dollar

2013………………..105,43 dinars un euro……………...79,38 dinars un dollar

2014………………..106,70 dinars un euro………………80,06 dinars un dollar

2015………………..108,60 dinars  un euro……………  99,50 dinars  un dollar

2016………….........116,57 dinars  un euro…………… 109,43 dinars  un dollar

2017 (24/07/ 2017) 126,72 dinars  un euro…………    108,79 dinars  un dollar   avec un cours du Brent de 48,48 et celui du Wit 41,11 dollars.

Le cours du dinar sur le marché parallèle le 21juillet 2017  selon Forex  à la vente est le suivant:

-un  euro vente…………………….. ……………………   196,00       dinars        algérien et le 24/07/2017 ayant atteint 198 dinars un euro

-un  dollar US……………………...  …………………….  173,00       dinars         algérien

-un  dollar canadien……….......................................  .  133,00       dinars         algérien

-une  livre  sterling………………….. ……………………220,00       dinars         algérien

-un  franc suisse………………….................................. 175,00       dinars         algérien       

-une livre turque …………………………………………  46,00         dinars         algérien

-un Yuan Chinois……………………   …………………  25,00         dinars         algérien

-un rial saoudien……………………... …………………  45,00         dinars        algérien

-un dirham Emirati…………………   ……………………46,00         dinars        algérien 

-un dinar  tunisien…………………..   ………………… .73,00         dinars        algérien

-un dirham marocain………………... …………………  16,00         dinars         algérien

Selon la banque d’Algérie «le taux de change du dinar vis-à-vis des principales devises est déterminé de manière flexible sur le marché interbancaire des changes, en fonction des conditions de l'offre et de la demande » et de préciser que «la valeur externe du dinar est  fixée au taux du marché inter-bancaire des changes où  la  dépréciation de la valeur du dinar, par rapport à l'euro et le dollar, est le résultat du différentiel entre le taux d'inflation enregistré en Algérie et celui constaté dans le reste du monde».Or, le taux d’inflation dans les  pays développés  entre 2013/2017 est inférieur à 2%, le dérapage du dinar continue et le prix des  produits importés ne connaissent pas  de baisses sensibles. 

2.- En cas d’un retour au FMI la dévaluation  entre 2019/2020,  serait également proportionnelle à celle de 1994/1995Dans une économie productive structurée, la dévaluation ou le dérapage . du dinar favorise les exportations – entendu hors hydrocarbures et freine les importations. en Algérie en plus des mesures non adaptées comme la généralisation de la règle des 49/51% (pas de bilan à ce jour), ayant permis  des rentes à certains cercles ( enrichissement sans efforts) et  le doublement de la valeurs importations depuis sa promulgation en 2009 et  la non dynamisation du tissu productif ,  c’est donc tout le contraire qui s ‘est produit montrant que les mesures tant  monétaires que bureaucratiques  sans vision stratégique n’ont pas  d’impacts. Le secteur informel contrôlant 70% de la sphère commerciale aligne ses prix sur la cotation du dinar sur le marché parallèle et non sur le cours officiel. Tout cela renvoie à la nature de l’économie rentière et à la faiblesse d’un tissu productif local, la rente des hydrocarbures donnant une cotation officielle artificielle.  L’Etat dérape (la Banque d’Algérie parle de glissement) le dinar pour voiler l’importance du déficit budgétaire, biaisant les comptes publics. On  voit que lorsque le cours du dollar baisse et le cours de l’euro hausse, la Banque d’Algérie dévalue,   pour des raisons politiques à la fois le dinar par rapport tant au dollar que de l’euro alors que le dinar,  dans une véritable économie de marché, le dinar devrait s’apprécier par rapport à la monnaie internationale qui se déprécie.  Pourquoi cet artifice comptable ? La raison essentielle est qu’en dévaluant le dinar par rapport au dollar, nous aurons une augmentation artificielle de la fiscalité des hydrocarbures, et la fiscalité ordinaire à travers la taxes des produits importés,  sachant  que els besoins des entreprises publiques et privées dont le taux d’intégration ne dépasse pas 15% sont importés : c’est le fondement d’une économie rentière. Car les recettes des hydrocarbures sont reconverties en dinars, passant, par exemple, de 75 DA un dollar  à 110 dinars un dollar.  Idem pour les importations libellées en monnaie étrangère, ou le cours est passé de 90/100 dinars un euro à 125 euros actuellement,  les taxes douanières se calculant sur la partie en dinars, cette dévaluation accélérant l’inflation intérieure. Tout cela voile l’efficacité réelle du budget de l’Etat à travers la dépense publique, et gonfle artificiellement le fonds de régulation des recettes calculé en dinars. L’inflation étant la résultante, cela renforce la défiance vis-à-vis du dinar où le cours officiel se trouve déconnecté par rapport au cours du marché parallèle traduisant le cours du marché.  Cela ne peut que conduire à terme à accélérer le processus inflationniste.  En Algérie malgré cette dévaluation qui ne dit pas son nom, certaines règles juridiques comme celle des 49/51% généralisée vivant de l’illusion de l’aisance financière, non adaptée à la conjoncture actuelle ou le passage du Remdoc  au Credoc et actuellement certaines mesures techniques ne font que s’attaquer à des aspects conjoncturels alors que le blocage est d’ordre systémique,  impliquant une nette volonté politique de profondes réformes structurelles.

3.-Avec la tendance à la diminution   des réserves de change, il sera impossible de continuer à verser des salaires sans contreparties  productives, et consacrer  le montant faramineux de subventions et transferts sociaux, non ciblés qui ne s’adressent pas essentiellement aux plus démunis, représentant 27/28% du PIB quitte à conduire le pays au suicide collectif. Car la valeur de la monnaie, rapport social, traduit avant tout la faiblesse  de la production et de la productivité interne, corrélée en Algérie à 70% aux réserves de change qui eux mêmes proviennent de la rente des hydrocarbures. Selon un rapport de l’OCDE, la productivité du travail en Algérie est une des plus faibles dans le bassin méditerranéen. Le niveau d’inflation qui est la conséquence de faible niveau de production  ne peut être compris qu’en analysant d’abord la productivité du travail et les liens dialectiques entre le développement, la répartition du revenu et le modèle de consommation par couches sociales. Celui qui perçoit 200 euros par mois n’a pas la même perception de l’inflation que celui qui perçoit 30 000 euros Sixièmement.. Pour se prémunir contre l’inflation, et, donc, la détérioration du dinar, l’Algérien ne place pas seulement ses actifs dans le foncier, l’immobilier ou l’or, mais une partie de l’épargne est placée dans les devises. C’est un choix de sécurité dans un pays, où l’évolution des prix pétroliers est décisive. Si les réserves de change  tendaient vers 10 milliards de dollars, la banque d’Algérie coterait officiellement  le dinar à plus de 200 dinarsun euro. Ce qui explique que les actions d’intégration du capital argent de la sphère informelle au sein de la  sphère réelle  auront certainement un impact très mitigé.  Par ailleurs, la différence  de la valeur du dinar entre le cours officiel et celui du marché parallèle   et la  distorsion avec les cotations des monnaies de pays voisins expliquent  également les fuites de produits hors des frontières. Les mesures administratives ne peuvent qu’être ponctuelles, sinon il faudrait une armée de contrôleurs. 

4.-. Depuis la promulgation de la loi sur la monnaie et le crédit vers les années 1990,  l’Algérie ne dispose toujours pas d’un  marché des changes fonctionnant selon les règles universellement admisesAussi, il s’agit  d’éviter  de fausses solutions à des problèmes mal posés comme l’idée d’intégration du capital argent de la sphère informelle par des mesures bureaucratiques autoritaires (voir étude : les impacts  économiques et  géostratégiques (drogue-trafic d’armes)  de la sphère informelle au Maghreb étude réalisée par le professeur Abderrahmane Mebtoul pour l’institut Français des Relations internationales IFRI décembre 2013).  La solution réside en de  nouveaux mécanismes de régulation conditionnant la dynamisation de la production locale dans des segments à valeur ajoutée au sein de filières internationalisées ainsi que des mécanismes de contrôle démocratiques reposant sur une plus grande moralité de ceux qui dirigent la cité. Cela rend urgent l’approfondissement de la réforme globale, notamment réhabiliter l’entreprise et son fondement le savoir, la réforme du système financier de distribution de la rente, inséré aux réseaux internationaux, actuellement de simples guichets administratifs, où les banques publiques contrôlent  plus de 85 % du crédit octroyé, les banques privées malgré leur nombre étant marginales. Des partenariats gagnant/gagnant pour pénétrer les marchés internationaux sont nécessaires  notamment en direction de  l’Afrique, continent d’avenir et à enjeux multiples, où l’Algérie peut avoir des avantages comparatifs. L’Algérie avec l’amenuisement de ses recettes d’hydrocarbures  peut-elle continuer à généraliser ces taux d’intérêt bonifiés au profit de jeunes dont la majorité n’a pas la capacité d’être entrepreneurs et qui ne pourront pas rembourser même le principal ? Un bilan des avantages et des résultats des bénéficiaires des différentes agences d’investissement (exonération TVA, taux d’intérêt bonifiés) devient urgent afin d’éviter de dépenser sans compter pour une paix sociale fictive grâce, toujours, à une rente des hydrocarbures éphémère, laquelle, si elle est bien utilisée, devient une bénédiction, mais mal utilisée, elle est, par contre, une malédiction, source de corruption et de gaspillage. Toutefois évitons la sinistrose. La situation est différente  de la crise   de 1986 avec le  niveau relativement élevé des réserves officielles de change, bien qu’en baisse  et le niveau historiquement bas de la dette extérieure pouvant  surmonter les «chocs» externes, mais transitoirement , sous réserve d’une nouvelle gouvernance centrale  et locale et d’une réorientation urgente de toute la politique socio-économique  actuelle. Le cas contraire, après l’épuisement du   fonds de régulation des recettes fin 2016, malgré toutes les  artifices comptables dont la dévaluation rampante du dinar l’ayant gonflé artificiellement depuis la chute du cours du pétrole de juin 2014, il ya risque de l’épuisement des réserves de change 2019/2020 et  d’ un retour au FMI avec des conditionnalités draconiennes et une dévaluation  importante du dinar entraînant la hausse  des taux d’intérêts des banques  si elles veulent éviter leurs faillites. Faute d’une stratégie claire de développement tenant compte des erreurs du passé, nécessitant un renouveau de la gouvernance et des nouvelles mutations mondiales, il  la compression des importations, ayant des limites, le secteur productif public/privé étant  embryonnaire et dépendant pour 80% des inputs importés , avec le risque sans transparence et un véritable ciblage,  d’encourager des rentes de situation et la corruption.

5.-C’est une évidence d’affirmer que le système financier algérien a besoin d'être réformé, n’existant pas de banques accompagnant les véritables investisseurs et pas de véritables bourse des valeurs. Une hérésie économique des entreprises étatiques dominantes souvent déficitaires achetant des entreprises étatiques déficitaires. Ni Sonatrach, ni Sonelgaz et ni une grande entreprise privée comme Cevital n’étant cotée en bourse. A partir de là, il faut parler de refondation du système financier. Car la  richesse nationale créée puise sa source dans la relation du triptyque: stock physique (stock ressources naturelles d’hydrocarbures) - stock monétaire (transformation: richesse monétaire) - répartition (modalités et mécanismes de répartition: investissement-consommation-fonds de régulation). La société des hydrocarbures ne créait pas de richesses ou du moins très peu. Elle transforme un stock physique en stock monétaire (champ de l’entreprise) ou contribue à avoir des réserves de change qui du fait de la faiblesse de capacité d’absorption, avant les tensions budgétaires  une fraction étaient  placées à l’étranger. Or, la  richesse ne peut apparaitre que dans le cadre de la transformation du stock de monnaie en stock de capital, et là est toute la problématique du développement. Puisque cette transformation n’est plus dans le champ de l’entreprise mais se déplace dans le champ institutionnel (problème de la répartition). Dans cette relation, le système financier est-il- passif ou à l'inverse actif ? Un système, par définition, n'est jamais neutre, il porte toujours en lui un ou plusieurs enjeux. Le système financier algérien porte en lui la substance de l'enjeu du fait qu'il cadre parfaitement la politique économique développée jusqu'à présent et son corollaire les sources et les modalités de son financement; du fait que l'on a faire à une économie de nature publique au sens ou la totalité des activités quelques soient leur nature se nourrissent de flux budgétaires c'est à dire que l'essence même du financement est liée à la capacité réelle du Trésor. 

6.-En résumé, les tensions budgétaires seront vivaces entre 2017/2020. Je rappelle que les importations de biens, auxquels il faut ajouter les sorties de devises des services (10/11 milliards dollars/an) et de transferts légaux de capitaux ( entre 4/5 milliards de dollars/an)  se sont chiffrés à quelque 60 milliards de dollars en 2016, alors que les recettes n’ont  pas  dépassé les 30 milliards de dollars, bien qu’un important effort a été fait car durant l’année 2013, les sorties de devises ayant  été supérieures à 75 milliards de dollars. Pour 2017,le risque est un montant presque équivalent  avec des recettes en devises si le cours en moyenne annuelle varie entre 49/52 dollars entre 31/33 milliards de dollars.  L’optimisme béat par le passé de certains responsables inconscients de la gravité de la situation socio-économique, qui risque de déstabiliser le pays à terme, n’inaugurent rien de bon,   nous faisant penser aux faux pronostics des anciens dirigeants des années 1986, pensant que des solutions monétaires et des  schémas périmés du passé , peuvent résoudre les problèmes du fonctionnement de la société.   Il faut recadrer le débat, et par un langage de vérité, s’attaquer  à l’essence et non aux apparences. Faute de quoi, l’Algérie se retrouverait au même scénario vénézuélien, pays en faillite bien plus riche que l’Algérie (300 milliards de barils  en pétrole certes lourd contre 10 pour l’Algérie). Entre début décembre 2016 et fin février 2017, le Venezuela, également ravagé par l'insécurité, a connu l'équivalent d'un taux annuel d’inflation de 932 %, d'après l'agence financière Bloomberg. Or, depuis de longues années  et récemment  où  j’étais invité lors des consultations pour la révision constitutionnelle par la présidence de la république, j’ai toujours  mis l’accent   sur la nécessité de l’instauration d’un dialogue permanent avec les partenaires économiques et sociaux, lié à l’introduction de la  bonne gouvernance et de l’état de droit.  Evitons  d’avoir    une vision sinistrose vis-à-vis l’avenir de l’Algérie,  car nous ne sommes pas dans la même situation que celle des années 1986». Actuellement l’Algérie repose sur un matelas financier très important qui est à l’ordre de 100 milliards de dollars et n’ayant qu’une dette extérieure de moins de 4 milliards de dollars. Mais pour dépasser l’entropie actuelle, il est temps de mettre les moyens nécessaire  une stratégie fiable et de  transformer cette richesse virtuelle en richesse  réelle. [email protected].

NB- Je tiens à remercier des cadres  du système financier qui ont requis l’anonymat pour ce travail dont j’en porte l’entière responsabilité.  Le professeur Abderrahmane MEBTOUL est docteur d'Etat en sciences économiques depuis 1974 et expert comptable de l’Institut supérieur de gestion de Lille ( France )-ancien haut fonctionnaire de l’Etat membre de conseils scientifiques de plusieurs institutions internationales auteur de 20 ouvrages, et de plus de 500 contributions nationales et internationales

Toute reproduction doit citer l’auteur.



Voir tous les articles de la catégorie "Eclairage éco"