Deux des journalistes mis en cause dans l'affaire des journalistes français qui auraient été payés par la monarchie marocaine, à plusieurs reprises, afin que ces médias diffusent, en France, la position officielle sur la question du Sahara occidental ont réagi, mercredi, dans le magazine Le Point en démentant ces informations.
Il s'agit des de Mireille Duteil du "Le Point" et de José Garçon, ex de "Libération" qui publient une tribune intitulée "Algérie-Maroc : Nous sommes otages d'une machine à salir". Elle rappellent que "depuis début octobre, un compte Twitter diffuse sous le pseudonyme de "Chris_Coleman24" et dans un anonymat absolu des mails - authentiques ou mêlant le vrai et le faux, falsifiés ou partiellement modifiés - ainsi qu'un torrent de "révélations" sur la politique, la diplomatie et les institutions marocaines. Le tout aurait été hacké par "Chris_Coleman24" à partir des boîtes mail de plusieurs personnalités ou institutions du royaume, notamment sa mission à l'ONU et sa ministre déléguée aux Affaires étrangères".
Pour elles, "ces documents concernent avant tout l'interminable conflit du Sahara occidental, pomme de discorde depuis près de quatre décennies entre le Maroc- qui revendique et dispute au Front Polisario cette ancienne colonie espagnole - et l'Algérie - qui soutient à bout de bras le mouvement indépendantiste" que "les relations entre le royaume chérifien et Washington et celles, moins connues, entre Rabat et Israël sont aussi au coeur de ce flot ininterrompu de documents. Objectif, selon les propres termes de "Coleman24" dans l'un de ses échanges sur Twitter : "fragiliser le Maroc, notamment son appareil diplomatique" en dénonçant, à travers ces "révélations", l'activisme et "l'intense lobbying du Maghzen" (le système de pouvoir marocain) sur le Sahara occidental, à l'ONU comme auprès des hommes politiques et des médias américains et européens".
Poursuivant leur écrit, elles soutiennent qu''elles voulaient juste aider le patron de l'hebdomadaire marocain, "L'Observateur du Maroc", Ahmed Charaï, qui aurait déclaré "avoir su constituer, en France et aux États-Unis, un réseau de journalistes amis qui seraient devenus des propagandistes du royaume", pour lancer le premier site marocain sur le Web qui deviendra cet hebdo.
De son coté, José Garçon considère"que la période à laquelle j'ai commencé à couvrir l'Algérie pour Libération - 1988 -, dix ans avant d'avoir mis les pieds au Maroc et d'y effectuer un reportage, vaut tout démenti. Que le ton critique de mes articles à l'encontre du pouvoir algérien ait fortement déplu à ce dernier relève du domaine public : ils évoquaient notamment (sur la foi d'enquêtes, de nombreux témoignages et des rapports des organisations humanitaires internationales) les infiltrations et les manipulations des groupes armés islamistes par les services de sécurité algériens. Comme d'autres, j'ai d'ailleurs été privée de visa. A l'époque, on m'accusait d'être liée à l'opposition algérienne, aujourd'hui au Makhzen".
Tandis que pour Mireille Duteil, écrit que "j'y ai couvert le Maghreb et l'ensemble du monde arabe. Deux livres sur l'Algérie m'avaient même donné la réputation d'être pro-algérienne. Je me retrouve aujourd'hui pro-marocaine. Ainsi va le buzz. Nous croyons toutes deux être simplement journalistes".
Les deux journalistes écrivent encore, que "la cascade de documents diplomatiques marocains rendus publics par ce hacker atteste par ailleurs d'une évidence : dans cette cyberguerre, les journalistes ne sont qu'une sorte de "produit d'appel" destiné à lancer, grâce à son aspect sulfureux ("la corruption de la presse française"), cette campagne que Rabat impute à Alger et que l'Algérie attribue à un "hacker marocain" sans fournir d'indice accréditant cette affirmation".
Les deux journalistes concluent par écrire qu'"il semblait enfin que certains signes étaient de nature à au moins envisager un "intérêt" algérien dans cette affaire : la diffusion à la mi-novembre d'une longue émission de la télévision algérienne consacrée aux "révélations de Chris Coleman, le hacker marocain patriote", la reprise systématique de ses tweets d'abord par Algérie patriotique, un journal proche de Khaled Nezzar, l'ancien ministre algérien de la Défense, et par un site pro-sahraoui Diaspora Sahraoui. Une reprise agrémentée désormais d'articles à charge contre nous, qui s'est étendue ensuite à plusieurs quotidiens algériens".
Pour rappel, depuis octobre dernier, un twitteur marocain, "Chris Coleman", diffuse des informations compromettantes sur un système de corruption au sein de la monarchie au Maroc. Le pouvoir aurait rémunéré quatre journalistes français travaillant à Libération, TF1, L’Express et Le Point.