Oui, le dossier est bien vide sur le plan du contenu tandis que sur le plan de la forme et de la procédure c'est une hérésie judiciaire, une monstruosité tendant à neutraliser l'homme afin de le chasser du pays.
Deux choses méritent réflexion:- A qui profite l'éloignement de Chakib ?- L'impact sur la crédibilité du pays de ce scandale monté de toutes pièces.
Et d'abord un mot sur le montage procédural :
Le 12 Aout 2013, alors qu'il se préparait à partir en vacances au Portugal, le procureur général près de la cour d'Alger, Belgacem Zeghmati reçoit un appel de Mohamed Amara, directeur des affaires pénales au ministère de la justice ( installé à ce poste par Ahmed Ouyahia du temps où il occupait le maroquin de la justice) pour lui demander de se présenter d'urgence au cabinet du ministre de la justice Mohamed Charfi.
C'est alors qu'un petit comité, composé de Mohamed Amara, Belgacem Zeghmati et le chef de cabinet Samir Bourhil, concocte un communiqué de presse qui sera envoyé à l'APS alors que les médias ont été conviés à une conférence de presse le même jour.
Zeghmati Belkacem (proche d'Ouyahia et de Toufik ) est informé par Mohamed Amara que le premier magistrat du pays, c'est à dire le président attend et va suivre en direct la lecture du communiqué de presse.
Les mandats d'arrêts à l'encontre de Chakib Khelil pour corruption, son épouse et ses deux enfants, pour blanchiment d'argent, sont établis le même jour de la conférence de presse sur réquisitions du parquet et sur instructions du général Mohamed Mediene alias Toufik ex chef du DRS, adressés à l'ex ministre Charfi.
Celui la même, qui, après avoir suivi corps et âme son mentor Ali Benflis, et après avoir été débarqué une première fois du gouvernement, avait obtenu le poste de conseiller à la présidence grâce au même général Toufik.
Une fois le communiqué rédigé par nos trois compères, Charfi y ajoutera sa partition musicale et donnera la feu vert à son subordonné, qui debout devant les caméras ajustera sa cravate pour achever politiquement Chakib Khelil.
Le procureur général, en contact avec le juge d'instruction du pôle pénal, construira sa procédure-référé et fera fi du code de procédure pénale qui prévoit dans son article 573 :
"lorsqu'un membre du gouvernement, un magistrat de la cour suprême, un wali, un président de la cour ou un procureur général près d'une cour, est susceptible d'être inculpé d'un crime ou d'un délit commis dans l'exercice ou par l'exercice de ses fonctions, le procureur de la république saisi de l'affaire transmet le dossier par voie hiérarchique au procureur général près de la cour suprême qui désigne un membre de la cour suprême aux fins de procéder à une information."
Le juge d'instruction saisi de l'affaire aurait dû transmettre le dossier au procureur général une fois qu'il avait constaté la qualité de la personne visée dans le dossier, en l’occurrence un ex membre du gouvernement d'autant que les dispositions de l'article 573 du code de procédure pénale sont claires dans le cas d’espèce.
Ce fameux article 573 du code de procédure pénale qui a été appliqué, rappelons le à l'ex wali de Bouira Benaceur nourredine et à l'ex wali de Blida Mohamed Bouricha.
Le procureur général près la cour d'Alger se devait donc de transmettre la totalité du dossier au procureur général près la cour suprême qui à son tour désigne un conseiller de la cour suprême qui procède à l'information (auditions et autres...). C'est donc ce conseiller membre de la cour suprême qui devient le juge d'instruction dans ce dossier qui sera géré par la cour suprême et non pas par un simple tribunal.
Ce magistrat aurait alors convoqué Chakib Khelil d'abord comme témoin, car même un magistrat doué d'une compétence hors du commun n'aurait pu réunir les preuves d'une inculpation de manière aussi rapide car nous sommes en présence d'une affaire de finance de contrats commerciaux complexes impliquant des législations de plusieurs pays ayant des systèmes économiques différents.
Le juge se serait fait assister d'experts chevronnés, il aurait été obligé d'entendre des témoins, des responsables algériens et étrangers etc... avant d'arriver à la manifestation de la vérité et pour le triomphe de la justice dans le respect du droit.
Malheureusement les événements, par le fait de forces obscures, ont pris une toute autre tournure. On voit qu'il y a là une violation de la loi par ceux là mêmes qui sont tenus de l'appliquer, de la respecter et de la faire respecter.
D'ailleurs, avant d'avoir prouvé la culpabilité de l'auteur des faits de corruption, on lance d'abord des mandats d'arrêts contre ceux censés avoir blanchi l'argent soi-disant mal acquis. Pour le cas d'espèce, la procédure suivie par les commanditaires de cette hérésie judiciaire est tout simplement aberrante et du point de vue du droit un non-sens, une absurdité.
Manifestement Charfi ne voulait pas se référer aux dispositions de l'article 573 du code de procédure pénale parce que une bonne application de ce texte aurait exigé du procureur général près la cour d'Alger qu'il adresse un rapport au procureur général près la cour suprême tout en informant bien sûr le cabinet du ministre ainsi que sur la procédure envisagée.
Ensuite la direction des affaires pénales après étude du dossier et consultation du ministre aurait instruit ce même procureur général de saisir le procureur général près la cour suprême lequel aurait désigné un conseiller de cette cour pour instrumenter le dossier .Bien entendu cela aurait pris un mois peut être deux.
Mais le Généralissime n'en a cure de la procédure ; qu'il vente, qu'il pleuve, qu'il neige, il voulait des mandats d'arrêts ce jour là contre la famille Chakib et point barre.
D'autant que le généralissime n'aurait pas apprécié et n'aurait pas été content : lui qui est habitué à jouer des matchs de foot sans goal en face de lui et à dribbler des joueurs consentants. Il fallait donc faire très vite.
Pour accélérer la manipulation, il fallait également -côté judiciaire- bousculer les juges italiens par des commissions rogatoires floues et très générales servies sur un plateau -côté services- et les saupoudrer de quelque lettres anonymes.
En un mot, qu'importe les moyens, même s'il fallait ternir l'image du pays et la crédibilité de ses institutions il fallait se débarrasser de Chakib Khelil et déstabiliser le Président Bouteflika pendant que Ouyahia se léchait les babines et lissait sa grosse et horrible moustache.
On peut donc affirmer qu'il y a eu une violation de la procédure et que le procureur Général près la cour d'Alger a bien commis une grave faute professionnelle et qu'il était tenu de respecter l'obligation de réserve et de ne pas se mêler d'une cabale politique en commettant un simulacre de justice même s'il avait reçu des instructions dans ce sens.
Mais une fois le communiqué diffusé, une fois la conférence de presse terminée, Charfi prépare l'artillerie lourde : en appelant le procureur général près la cour de Blida ainsi que le directeur des moyens du ministère pour préparer une visite, aux motifs d'inaugurer des réalisations, mais en réalité pour communiquer avec éclat sur l'affaire Khelil en lui donnant la même importance que l'affaire Khalifa Bank.
Il ne pourra finalement pas réaliser son fantasme, car alertées les plus hautes autorités du pays instruisent le premier ministre de ne pas donner son aval à ce coup monté.
Charfi, celui là même qui avait opté pour une barbe en 1991, du temps de la splendeur de l'ex FIS, alors qu'il était secrétaire général du ministère de la justice, rentrera chez lui une fois encore, la queue entre les jambes. Zeghmati le renégat sera relevé de ses fonctions alors que le généralissime sera chassé de sa tour d'ivoire en attendant que les trois auteurs de cette cabale soient traînés devant les tribunaux pour tentative de coup d'Etat rampant.
A aucun moment, ni le procureur général près la cour suprême, ni le premier président près la cour suprême de l'époque, ne relèveront cette inadmissible entorse à la loi et ne réagiront pour revendiquer la procédure.
Le crime était presque parfait.